Ceci n’est pas un complot

Combien de fois, nous, pauvres citoyens sans-dents sous-diplômés n’ayant fait ni l’ENA ni l’ENS, avons constaté une prise de décision politique absurde, irrationnelle, illogique, par un calcul ultra-basique ?

Dans le domaine de l’éducation par exemple, nos dirigeants s’évertuent à prendre des mesures démentes sans queue ni tête, sans fondement scientifique, et qui concernent des points de détail ultra minoritaires vis-à-vis des problèmes structurels. Alors que le calcul est pourtant simple : le nombre d’élèves dans les classes augmente, donc RECRUTONS DU PERSONNEL plutôt que d’investir dans des tablettes ! Ces constats sont quotidiens, dans tous les secteurs d’activités, car les preneurs de décision ne sont pas confrontés aux réalités du terrain. Le système capitaliste de propriété privée des moyens de production collectif empêche les travailleurs de prendre eux-même des décisions rationnelles et logiques en fonction de la réalité du terrain qu’ils vivent au quotidien. Et cela s’applique également dans les prises de décision politique, où le peuple est exclu.

Je soutiens ici que lorsqu’un dirigeant prend une décision irrationnelle, illogique, alors que même le plus bête d’entre nous aurait fait mieux, ce n’est pas de l’amateurisme ou une erreur, c’est VOLONTAIRE, RÉFLÉCHI, ET TRÈS RATIONNEL SELON LEURS INTÉRÊTS. J’ai écris en majuscule ça fais genre je suis en colère…

Nos élites dirigeantes sont issues de la classe bourgeoise. Car le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours est en fait un moyen plus compliqué de dire « ploutocratie ». Et cette bourgeoisie, corrompue jusqu’à l’os comme le montrent Branco ou Pascot, est une classe sociale bien organisée. C’est tout le travail des époux Pinçon-Charlot. Cette bourgeoisie mène la lutte des classes (qui n’est pas vraiment un concept du prolétariat comme on pourrait le croire), car elle redoute plus que tout les classes pop. Elle est une classe « en soi » (capital économique, culturel, social, symbolique) et « pour soi » qui défend ses intérêts propres, à savoir son maintient au pouvoir pour exercer sa domination.

Mais alors, comment qualifier un petit groupe de personnes, réunies autour d’intérêts n’allant pas dans le sens du bien commun, qui se réunissent régulièrement pour discuter de la marche à suivre pour exercer un système de domination ?

Un c…

Un co….

Un com…

Un comp…

Un compl…

Un complo…

Un complot.

UN COMPLOT !

Absolument, car bien qu’il serait crétin de voir des complots partout, il l’est tout autant de n’en voir nulle part. Les complots existent, les réunions à huit clos de la classe dominante existent.

Le fait est qu’être taxé de complotiste aujourd’hui est un moyen de disqualification efficace, qui sous entend que l’on est neu-neu et sans esprit critique. Mais revenons sur le mot « complotiste ». Ne devrait-il pas plutôt désigner ceux qui fomentent ces complots ? Pourquoi est-il attribué à ceux qui tentent de les dénoncer ? Et est-ce vraiment la bonne solution que de taxer de complotiste celui qui voit dans l’attentat du 11 septembre un complot judéo-sionisto-américano-impérialisto-kinderbueno ? Non, car cela ne fais que renforcer l’idée que le pouvoir ment et cache, ce qui radicalise encore plus les positions.

Mais cela, pour en revenir à ce que je disais au début du texte, les dirigeants le savent TRÈS BIEN. Ils savent pertinemment que disqualifier quelqu’un plutôt que lui faire la démonstration scientifique de son erreur et mettre en spectacle le débat politique a pour conséquence de radicaliser ces « complotistes » par la frustration. Pas de besoin de bac+10 pour comprendre ça. Ce phénomène est mûrement réfléchi, car il crée un « ennemi intérieur » : là est le vrai complot.

De manière générale, la classe bourgeoise dominante utilise quotidiennement l’adage « diviser pour mieux régner ». Leurs politiques s’évertuent à créer des inégalités au sein des classes pop / moyennes, pour que l’on jalouse notre voisin, pour qu’on passe notre temps à regarder nos différences, en développant une certaine islamophobie, xénophobie, racisme ou peur des réfugiés par exemple (qui, au passage, représentent un habitant sur sept mille en France). Ainsi ils détournent notre regard du haut de la structure hiérarchique pyramidale.

Ils le savent pertinemment, c’est une stratégie politique organisée, un complot. Warren Buffer ne le cache même pas :  » il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ». Tout est dit.

Caricatures

Pour cette session du Bac 2019, des enseignants en grève contre les réformes du Lycée Blanquer (« L’école de la confiance », bien que « la confiance, c’est le retrait provisoire de l’esprit critique) font une rétention des notes de l’épreuve. Les plus cons parlent d’une « prise d’otage » sans se rendre compte des conséquences des réformes du ministre et de l’importance de défendre l’éducation. Blanquer s’en retrouve bien ennuyé de voir ces profs dissidents, comment il va pourvoir vérifier le respect de la constante morbide alors ?

Jean Mi s’inquiète

Le 21 juin à Nantes, quatorze personnes (qui présents pour la fête de la musique) tombent dans la Loire suite à une charge de la police. Parmi eux, Steve, dont le corps n’a toujours pas été retrouvé. Face à un état de plus en plus coercitif et une police prenant un virage assumé vers la violence, quel est notre dernier droit ? Celui de garder le silence ?

Le monopole de la violence légitime

L’envol des autruches

Micro-synthèse de la macro-idée développée par Servigne et Chapelle dans L’entraide. Nous faire croire que l’être humain est par nature un con, compétiteur, est-il fondé ? Est-ce la meilleure solution face à notre chaotique futur environnemental ? Ou en est-ce la source ?

La théorie politique de la construction contemporaine des Etats ne tient plus la route, la science le démontre. Cette théorie, c’était celle de Hobbes, soutenue dans son ouvrage Le Léviathan. Pour faire simple, le philosophe affirme qu’à l’état de nature, les humains s’entretuent perpétuellement pour des questions de propriété, c’est le « chaos généralisé », la « guerre du tous contre tous ». Pour une question de survie, les humains font donc société en transférant leur liberté (violence) dans les mains d’un acteur unique (le Léviathan, le monarque absolu, etc.) disposant du « monopole de la violence légitime ». Ainsi, les humains, devenus citoyens, vendent leur liberté contre leur sécurité, ils se soumettent à l’ordre.

Problème de taille, si l’on étudie la racine de cette théorie, qui repose sur la prétendue « nature de l’homme ». C’est ce que déconstruisent Pablo Servigne et Gauthier Chapelle dans L’entraide. L’autre loi de la jungle (LLL, 2017). Ils affirment, en recoupant des études variées (faisant ainsi honneur au paradigme de la complexité et le décloisonnement des sciences de Morin) comme la sociologie, la psychologie, la biologie, etc., que la sélection naturelle récompense l’entraide. L’humain, animal un peu particulier mais restant un animal, obéit ainsi à cette même règle : les espèces qui coopèrent survivent à long terme. Bien qu’il soit plus rationnel d’être en compétition à court terme.

Donc voilà, au temps de Hobbes (XVII° siècle), pas de réelle études sociologiques, économiques ou biologiques expérimentales telles qu’on les conçoit aujourd’hui. Mettons donc la politique à l’heure de la science, et cessons de faire l’autruche.

Car le temps presse, semblerait-il. La planète agonise, selon les collapsologues, comme Pablo Servigne (aux conférences pédagogiques précieuses). Les auteurs de l’ouvrage concluent ainsi : « Un milieu hostile soude progressivement les groupes […]. Un milieu d’abondance provoque la tendance inverse. » Ils conçoivent une histoire cyclique de la civilisation, ici schématisée :

Bac +12 en infographie

Et comme vous l’avez remarquer, on est pas au stade le plus vertueux. Les prédictions du Club de Rome de 1972 semblent être justes. On a encore un petit espoir, mais soyons lucide, on fonce à l’effondrement pied au plancher (cf métaphore de la voiture par Servigne). Et le problème majeur, c’est que : « Le problème des catastrophes qui s’annoncent et de l’effondrement possible de notre société [est] que nous allons y entrer de plain-pied avec une culture de l’égoïsme » selon les auteurs. Page 301. Vérifiez. Ou faites-moi confiance. Mais « la confiance, au fond, n’est rien d’autre qu’une suspension provisoire de l’esprit critique« .

Recréer du lien social pour affronter le futur est donc primordial. Reprenons le contrôle de nos sociabilités par la reprise en main de ce qui fait notre humanité, mais dont la société industrielle de consommation nous a dépossédé. Il est temps pour les autruches de relever la tête et de réaliser l’impossible, s’envoler. Et de lire ce bouquin passionnant et unique.

Le pouvoir des questions

La journée commence souvent par la même question (au boulot, en famille, à l’école, etc.) : « Ça va gros ? ». Et là, bim ! les problèmes commencent. Celui qui nous pose cette question exerce un pouvoir social sur nous, qui détermine notre réponse, franche ou lissée. Questionnons le pouvoir des questions.

La société est ce que l’on en fait. Ce que l’on fait est à l’image de ce que l’on est. Ce que l’on est est lié aux réponses que l’on donne aux questions posées quotidiennement (affirmation non sourcée bien sûr, juste une idée). Questions sociales, philosophiques, morales, politiques, etc. Dans la société actuelle, une instance dispose du pouvoir de poser les questions : les médias (dans toute leur complexité, tensions, conflits et paradoxes bien entendu). La théorie de Combs et Shaw de l’ « Agenda setting » en 1972, la « mise à l’agenda » propose une vision intéressante du pouvoir des médias. Ces derniers ont le pouvoir d’imposer des questions sur l’espace public, de poser des questions aux citoyens. L’idée que les médias « font » l’élection a vivement été remise en question par le courant du « two step flow of communication » (bien qu’on ne puisse pas nier la probable corrélation entre les centaines Unes dont a jouit Macron avant son élection).

Alors en effet, les médias n’ont peut-être pas totalement la main sur l’élection, qui est soumise à de nombreuses tensions, conflits, paradoxes. Mais les médias créent un bulle autour de cette élection. Ils sont ainsi un pilier fondamental du système dans le sens où jamais ils ne remettent en question le principe même de l’élection présidentielle par scrutin uninominal majoritaire à deux tour (dans sa globalité tout autant que terme par terme, qui devraient chacun nous poser question…). La prison est là : peu importe ce qui se passe dans cette bulle, ce système, tant que ça se passe à l’intérieur. C’est la fonction de « chien de garde » analysée par Serge Halimi. Un chien de garde intellectuel, passif et doux, couplé au chien de garde qu’est la police, active et brutale, dont la fonction est de sanctionner physiquement les initiatives qui prennent vie en dehors de cette bulle (« violence légitime » on appelle ça ! ). La question est donc : a-t-on le droit de critiquer ce qui garde ce droit ?

Bac +10 en infographie

Je prends un exemple, tiré de mon mémoire d’Histoire réalisé en M1 (sur le rap à la télévision pendant les « émeutes des banlieues » de 2005), dans lequel s’exerce le pouvoir médiatique de poser les questions (fermées) : « C’est toujours le même débat : le rap n’est-il que le reflet de la réalité et dénonce une société inégalitaire, ou bien au contraire le rap attiserait-il la haine ? Un débat houleux dans un instant ». Le présentateur (Marc-Olivier Fogiel en l’occurrence) crée ainsi une bulle qui rend invisible tout ce qui pourrait s’y passer à l’extérieur.

On voit ce pouvoir avec la publicité également. Plein de pub se font la guerre pour nous vendre un pot de yaourt. Mais le vrai pouvoir n’est pas celui de nous vendre CE pot de yaourt, c’est celui de nous imposer l’idée que le pot de yaourt s’achète. Jamais une publicité ne nous montrera comment faire son yaourt seul, direct au pis de la vache: dépossession ! .

Si le pouvoir de poser les questions est une des source de notre domination, pourquoi ne pas faire des questions la source de notre libération ? Le principe de la maïeutique de Socrate repose sur l’idée que chacun peut avoir accès à sa propre vérité (donc sortir de l’esclavage intellectuel) par le questionnement, ce qu’on appelle platement l’esprit critique. Il est nécessaire de maîtriser le « jeu du pourquoi », qui consiste tout simplement à rebondir à chaque affirmation par des pourquoi et ainsi mettre en lumière les paradoxes, les aveuglements, les hypocrisies peut-être. Car imposer une réponse toute cuite est souvent contre-productif (sauf si vous êtes considéré comme un « leader d’opinion »). Face à un militant convaincu de sa vision du monde, imposer un contre-argument aura l’effet boomerang : il sera encore plus conforté dans sa bulle d’idées.

Ça demande une certaine patience et sans doute un grande tolérance. Finissons par quelques citations sages d’Edgar Morin, dans Les sept savoirs fondamentaux à l’éducation du futur :

« L’incompréhension produit autant d’abêtissement que celui-ci produit de l’incompréhension. L’indignation fait l’économie de l’examen et de l’analyse. Comme dit Clément Rosset : « la disqualification pour raisons d’ordre moral permet d’éviter tout effort d’intelligence de l’objet disqualifié, en sorte qu’un jugement moral traduit toujours un refus d’analyser et même un refus de penser». « 

« L’éthique de la compréhension demande d’argumenter, de réfuter au lieu d’excommunier et d’anathématiser. Enfermer dans la notion de traître ce qui relève d’une intelligibilité plus ample empêche de reconnaître l’erreur, le fourvoiement, les idéologies, les dérives. La compréhension n’excuse ni n’accuse : elle nous demande d’éviter la condamnation péremptoire, irrémédiable, comme si l’on n’avait jamais soi-même connu la défaillance ni commis des erreurs. Si nous savons comprendre avant de condamner, nous serons sur la voie de l’humanisation des relations humaines. »

« La vraie tolérance n’est pas indifférence aux idées ou scepticismes généralisés. Elle suppose une conviction, une foi, un choix éthique et en même temps l’acceptation que soient exprimés les idées, convictions, choix contraires aux nôtres. La tolérance suppose une souffrance à supporter l’expression d’idées négatives ou, selon nous, néfastes, et une volonté d’assumer cette souffrance. »

Sous les pavés les racines

La société est un arbre. La société est malade. La société est un arbre malade. Peut-on, et si oui comment, soigner un arbre malade ? Par où commencer ?

Le fichier .pdf ci dessus est un mind-map créé sur le logiciel Freemind. Pas du tout esthétique ni ergonomique, très brut. Mais intéressons-nous au fond plutôt qu’à la forme. Je postule l’idée que l’ensemble des maux qui fracturent notre société (chômage structurel de masse, dépolitisation du corps social, terrorisme, catastrophes environnementales, Nabilla, etc.) ne sont que les branches d’un arbre malade. Nous pouvons passer des heures à débattre sur les branches de cet arbre, les tailler pour soigner l’arbre, sans jamais s’intéresser à son tronc.

Le tronc est-il le capitalisme ? Fort possible ! Le monde est complexe, multidimensionnel. Un sage, roux, m’a un jour dit « Une théorie qui prétend expliquer le monde est une théorie fausse, le monde est un trop grand bordel pour être expliqué ». C’est ce qu’on retrouve dans le paradigme de la complexité d’Edgar Morin. Ce mind-map est donc faux, caricatural, partiel, partial. Mais je pense que si le capitalisme n’explique pas tout, rien ne peut s’expliquer sans prendre en compte le capitalisme [*langue de bois*]. Bref c’est un essai, plein d’erreurs, à corriger, à améliorer. J’essayerais de le mettre à jour régulièrement.

Dans cette représentation, le tronc Capitalisme a trois branches principales : la propriété privée des moyens de production, l’accumulation, et le libéralisme (qui caractérise la forme actuelle du capitalisme). Les plus attentifs auront remarqué une quatrième branche. En fait, c’est une racine. Il semble en effet plus pertinent, mais bien plus compliqué, de s’intéresser à la cause des cause, le pourquoi du pourquoi, ses racines profondes. Soyons radical dans notre analyse, c’est-à-dire qu’il faut, étymologiquement, s’intéresser aux racines du mal. Et réfutons tout de suite l’idée qu’être radical est synonyme de violence. C’est la maladie de l’arbre qui est violente, pas notre volonté de comprendre son origine.

Les racines sont nombreuses et enfouies, elles sont donc difficiles à voir et à comprendre. Pour cela, il faut croiser les différentes sciences humaines. Peut-être y a-t-il des racines à trouver dans les sciences « dures », mais là je sèche. J’ai donc identifié des causes historiques, économiques, philosophiques, et il faudrait que je creuse sur le psychologique et l’anthropologique.

Dans toutes nos réflexions, emparons-nous du modèle de l’arbre. Identifions le tronc, c’est-à-dire le point commun entre nos objets de débats, et cherchons les racines, le « pourquoi du pourquoi du pourquoi ». Se pose alors une question : est-il encore réellement nécessaire de tailler les branches d’un arbre malade à la racine ? N’est-il pas venu l’heure de… planter un nouvel arbre ?

N’hésitez pas à vous emparer de ce mind-map, à l’améliorer, à le corriger, à le développer, etc.

La dépossession, source de notre dépendance

Les GAFAM monopolisent Internet, un espace numérique qui n’appartient à personne et à tout le monde à la fois. Aujourd’hui, si on demande à quelqu’un ce qu’est internet, il répondra sans doute, et partout dans le monde, Internet = Google. Merde ! Internet a été la découverte qui a révolutionné la fin du XX° siècle, comme l’avait été par le passé l’invention de l’écriture, de la monnaie, de l’agriculture, de la machine à vapeur. Mais si l’on regarde bien, toutes ces découvertes ont fait l’objet d’une monopolisation. L’humanité a été monopolisée, comment se libérer de cette dépendance ?

L’agriculture est inventée aux alentours de 9000 avant notre ère. Mais pour faire société, et développer un système alimentaire commun, des règles et des normes se mettent en place naturellement. Selon les peuples, selon les sols, le climat, selon les besoins, etc. Mais la multitude des formes d’agricultures et la diversité des cultures à travers le monde se restreint à travers le temps et s’uniformise. On arrive aujourd’hui à un système agricole industriel monopolisé par des géants du secteur.

Idem pour la seconde invention la plus importante de notre civilisation, l’écriture. La plus ancienne trace d’écriture dont nous disposons est le cunéiforme des Sumériens, et date du IVeIIIe millénaires av. J.-C. L’humain se met à écrire, mais pour faire société, des normes sont imposées. Il n’y pas autant d’écritures qu’il y a d’êtres humains, sinon c’est la cacophonie. L’écriture a été règlementée, selon les peuples, les cultures, et bien qu’il existe une foisonnante multiplicité d’écritures, d’alphabet, il n’y a pas autant d’écritures que d’hommes. Au fur et à mesure du temps cependant, l’écriture est monopolisée. Au Moyen-Age, savoir lire et écrire est un privilège du clergé et de la noblesse. Aujourd’hui, même si lire et écrire sont les fondamentaux de l’éducation, des gens écrivent à la place des autres. On les appelle les « hommes politiques ». Ce sont ces gens, fort peu nombreux, à qui on a délégué notre pouvoir d’écriture. L’écriture libère. Écrire au nom de quelqu’un est un déni de liberté.

A cette même période se développe la monnaie, élément structurant de nos sociétés. Son origine est incertaine, on parle parfois de proto-monnaie, et elle prend diverses formes jusqu’à devenir métallique. Tout comme l’agriculture ou l’écriture, elle est polymorphe, en fonction des cultures. Mais une fois de plus, chaque être humain ne crée pas sa propre monnaie. Un système monétaire homogénéisé est nécessaire au développement des économies et des sociétés. Plusieurs monnaies fleurissent ainsi à travers l’histoire, aux échelles de diffusion et d’utilisation plus ou moins grande. Que reste-t-il aujourd’hui de cette diversité de monnaie ? Rien, si ce n’est dans les musées. L’euro, le dollar, les monnaies internationales sont le fruit de la monopolisation de la création monétaire.

Invention majeure de notre époque contemporaine, la machine à vapeur, qui se transformera peu à peu en moteur à explosion. Au XIX° siècle, la mise au point de cette machine demande un savoir-faire technique et scientifique poussé. Mais plusieurs acteurs créent leurs machines pour en faire un usage privé et/ou partagé. Ainsi, il n’y a pas autant de machines à vapeur que d’êtres humains. Le nombre de constructeurs diminue et fini par se réduire à quelques industriels ayant survécu à la guerre commerciale qui se joue tout les jours depuis l’internationalisation du commerce. Résultat, la question énergétique est aujourd’hui un question industrielle et commerciale, sur laquelle les citoyens n’ont plus la main.

Internet est mis au point au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et va de paire avec les avancées des technologies informatiques. Réservé à un certain nombre d’initiés, issus des milieux militaires et universitaires, car demandant une maîtrise technique avancée, le « réseau des réseau » est universel, et chacun peut s’en emparer. C’est cette philosophie qui est derrière la mise au point du Web par Berners-Lee et Caillaux du CERN en 1990. Mais très vite, le web est englouti par des empires monopolistiques, qui n’avait peut-être pas vocation à le devenir, que sont les Gafam. Les « prés-carrés » du web, selon son fondateur. Les Gafam ici, les Natu ailleurs, les Batx un jour peut-être.

Chaque invention majeur dans l’humanité semble donc faire l’objet d’un monopole, mais l’échelle change avec le temps : le nombre d’acteurs monopolistiques se réduit. La lente marche de l’histoire vers la mondialisation réduit l’espace et le temps entre les hommes, et semble réduire le nombre d’acteurs monopolistiques. Pour donner un ordre de grandeur, absolument pas scientifique, ils étaient 100 000 avec l’agriculture, 1000 avec l’écriture, 500 avec la monnaie, 50 avec la machine à vapeur, 5 avec Internet. L’étau se resserre. la logique voudrait donc que la prochaine invention soit monopolisée par un seul acteur, total donc, par définition, totalitaire par prédiction. Flippant. Surtout quand on se rend compte que l’étau se resserre également géographiquement, dans une paradoxale mondialisation : les Gafam sont tous dans le même pays, les États Unis d’Amérique, mais plus particulièrement dans un même rayon restreint, la Silicon Valley. Un territoire minuscule qui monopolise un espace numérique mondial. Mondial ! C’est la « silicolonisation » du monde d’Eric Sadin. Et les États-Unis sont détiennent également le monopole linguistique (l’anglais comme langue internationale), agricole (avec des immenses empires de la céréale), monétaire (imposant le dollars comme monnaie de référence), et énergétique (disposant des plus grandes firmes industrielles d’exploitation et de raffinement des hydrocarbures). Les États-Unis ont-ils monopolisé l’humanité ?

Alors voilà, que faire face à la monopolisation des inventions qui ont changé la face de l’humanité et qui nous servent quotidiennement ? Se réapproprier la technique, pour ne pas qu’on le fasse à notre place, bref, être indépendant techniquement, libre.

Ça commence donc par l’écriture : il est fondamental d’écrire soi-même, car nombreux sont les gens qui veulent écrire à notre place. L’écriture est dangereuse, les mots sont puissants, et les poser sur une feuille (ou sur un blog aujourd’hui) les rend vivant pour l’éternité. Ensuite il y a l’agriculture : il faudrait que l’on soit autonome alimentairement, autosuffisant. Pour ne plus être dépendant d’un système de consommation industriel, maladif et mourant. Pour la question de la monnaie, il faut reprendre en main notre économie. A travers des initiatives de monnaies locales par exemple. Mais sortir d’un système trop global qui repose sur la compétition et les inégalités. Puis vient la question de l’énergie, du moteur : un enjeu ultra important, car l’autonomie énergétique est synonyme d’écologie. Des gens, doués en mécanique, bricolent les moteurs à hydrogène non polluants. Pas commercialisés ! Et pour finir, Internet. Pour réduire la dépendance, il faut se dégager des Gafam. Ça suppose d’être vigilent sur le moteur de recherche, la navigateur, le système d’exploitation et le fournisseur d’accès internet qu’on utilise, et d’utiliser des logiciels libres : Framasoft s’y est lancé.

Tout cette reprise en main de ce qui fait notre humanité demande du temps, des connaissance et de l’énergie (de la motivation quoi). Ça peut paraître un poil compliqué… Mais en fait, le piège est là ! Les acteurs monopolistiques nous dépossèdent car ils rendent les choses faciles, techniquement, intellectuellement, ils rendent le monde plus simple, clé en main, facile à consommer, macdonaldisé. Et nous sommes paresseux, alors on se laisse séduire par ce qu’ils nous vendent, nous sommes assistés. Il faut reprendre notre capacité à produire nous même, plutôt que simplement consommer ce que d’autre on produit pour nous, là est la source de notre dépendance, de notre aliénation, de notre situation d’esclave.

Enfin, en parallèle de notre dépendance technique qui tient à notre dépossession de nos propres moyens de production, il faut re-devenir indépendant intellectuellement. Se libérer des chaînes des monopoles intellectuels. Des gens qui pensent pour nous. Qui nous font croire que l’indépendance technique est difficile, coûteuse, impossible ! La boucle est bouclée, leur monopole technique est assuré par le monopole intellectuel qu’ils répandent. Apprendre à faire seul, sans eux en tout cas, est le chemin vers la libération.

N’hésitez pas à commenter, partager, débattre, réagir. Je suis dépendant de la reconnaissance qu’on m’exprime… Et le désir de reconnaissance est un désir d’esclave écrivait Nietzsche, paraît-il ! Paradoxal.